Chapitre 16

 

Ce soir-là, je ne me fis pas d’amis parmi les policiers.

Malgré sa blessure flagrante, Raphael réussit à ne pas se faire conduire à l’hôpital. Il ne laissa même pas les médecins y jeter un coup d’œil – sans doute parce qu’un démon ordinaire aurait encore présenté des traces des dégâts et que, dans ce cas précis, tout avait déjà disparu. Je n’osais imaginer ce que les médecins auraient pensé de cette blessure inexistante et je fus très contente de ne pas le savoir.

Pendant que Raphael se disputait avec l’équipe médicale, les policiers qui étaient arrivés sur les lieux me mirent à l’écart pour prendre ma déposition. C’est à ce moment que je commençai à les agacer.

De toute évidence, j’étais incapable d’expliquer avec précision à la police ce que je faisais là, tout comme je n’étais pas en mesure de leur proposer une quelconque théorie sur les raisons pour lesquelles Jonathan Foreman nous avait tiré dessus. Vous le savez, je suis vraiment une piètre menteuse et avec ce forgeron qui cognait toujours dans mon crâne, je n’avais tout simplement pas… l’imagination pour inventer une explication plausible. Et il valait mieux, car la version de Raphael et la mienne n’auraient pas collé puisque nous ne nous étions pas concertés. Aussi, je décidai de décrire les faits au gentil policier. Les faits et rien que les faits. Adam avait frappé à la porte, Raphael l’avait écarté et s’était pris une balle. Et quelqu’un, probablement Foreman, s’était enfui avec Adam sur les talons.

Je refusai d’expliquer ce que nous faisions tous les trois sur le palier de Foreman. Ce qui dut aussitôt les mettre en état d’alerte mais, comme il m’était impossible de leur servir une histoire plausible, il valait mieux que je me taise. J’espérais que Raphael m’imiterait, malgré sa capacité à élaborer trois scénarios vraisemblables en un claquement de doigts et sans se forcer.

L’atmosphère était assez tendue et je craignais que les policiers songent à m’arrêter – pour quelle raison, je n’en savais rien – quand Adam se dirigea nonchalamment vers nous. D’accord, il n’était pas vraiment nonchalant. Une chose est sûre, il n’allait certainement pas assez vite à mon goût. Je n’avais pas vraiment gardé l’œil sur ma montre, mais il me semblait être parti à la poursuite de Foreman depuis une éternité et je ne comprenais pas ce qui avait pu lui prendre tant de temps. Grâce à la puissance de leurs démons, les deux hommes avaient eu le temps de faire l’aller-retour jusqu’au New Jersey !

Les flics se concentrèrent alors sur Adam qu’ils considéraient certainement comme un témoin plus fiable que Raphael ou moi. On nous fit tout de même comprendre en des termes un peu vagues que nous ne devions pas quitter les lieux. Nous nous assîmes tous les deux sur les marches – en prenant soin d’éviter le sang – sans nous adresser la parole. Nous avions l’un comme l’autre remarqué ce flic qui se tenait mine de rien à portée d’oreille et qui espérait sans doute parvenir à entendre la véritable histoire. Il n’était de toute évidence pas fait pour un boulot d’infiltration, même s’il essayait de nous faire croire qu’il était très occupé par ailleurs.

J’étais moi-même submergée d’interrogations tout en sachant que je n’étais pas près d’obtenir des réponses.

Qu’était-il arrivé à Jonathan Foreman ? Pourquoi avait-il ouvert le feu sur nous ? Il ne pouvait pas savoir que nous allions venir le trouver. Et quelle histoire Adam était-il en train de raconter à ses collègues pour expliquer tout ce grabuge ?

Raphael et moi restâmes assis en silence pendant presque une heure tandis que la nuit succédait au crépuscule. Pendant tout ce temps, Raphael garda un bras serré contre son abdomen, là où la blessure par balle aurait dû se trouver. À sa place, je n’aurais pas fait attention et j’aurais baissé ma garde et exposé ma peau guérie. Évidemment, quand on est bon menteur – et Raphael était expert en la matière –, on apprend à s’en tenir à ses mensonges.

Les policiers finirent d’interroger Adam. Ils eurent quelques paroles sévères pour Raphael et moi, mais nous permirent de rentrer chez nous. Alléluia !

Nous étions venus chez Foreman dans la voiture banalisée d’Adam, qui était stationnée au coin de la rue. Sans que nous ayons à nous concerter, aucun de nous ne s’exprima avant d’être tous dans la voiture. Je doute qu’on ait pu nous entendre, mais on n’est jamais trop prudent. Raphael continua même à faire le blessé jusqu’à ce qu’il soit affalé en sécurité sur la banquette arrière.

— Qu’est-il arrivé à Foreman ? demandai-je, dès que ma paranoïa m’autorisa à parler en toute sécurité.

— Si tout s’est bien passé, il doit être chez moi en ce moment même, répondit Adam.

Je réprimai un éclat de rire. De toute évidence, tout ne s’était pas bien passé !

— Et comment peut-il être allé chez toi ? En supposant que c’est le cas.

— Je l’ai rattrapé à quelques blocs de chez lui. Je l’ai neutralisé avec mon Taser, puis j’ai appelé Saul et Dom pour qu’ils viennent le chercher. C’est pour cette raison que j’ai mis autant de temps à revenir sur la scène de crime – il a fallu que j’attende qu’ils arrivent.

Raphael remua sur la banquette arrière.

— Tu l’as laissé seul avec Dominic et Saul pour le garder ?

Il n’avait pas l’air content. Adam lui adressa un regard par le biais du rétroviseur.

— Je n’avais pas vraiment le choix. Ils sont armés de Tasers et ils ne sont pas stupides. Ils vont le maîtriser.

— Si mon fils meurt par ta faute, je te dévore le foie, déclara Raphael d’une voix calme comme s’il venait d’annoncer qu’il pleuvrait le jour suivant.

Si Saul méprisait ouvertement Raphael, ce dernier ne semblait pas lui en tenir rigueur.

Adam crispa brièvement les mains sur le volant et il me vint à l’esprit qu’avec quelqu’un comme Raphael, la menace pouvait être comprise littéralement. Je réprimai un frisson.

— Qu’as-tu dit à la police ? demandai-je à Adam, trouvant le moment opportun pour changer de sujet.

— Je suis resté assez vague tout en collant à la vérité. Je leur ai dit que nous étions passés pour parler à Foreman d’un sujet personnel et qu’aucun de nous trois ne l’avait jamais rencontré en personne. Puis je leur ai raconté ce qui s’est passé – même si, évidemment, je leur ai déclaré que Foreman s’était échappé après que je l’ai manqué au Taser.

— Et ils se sont contentés de cette version ? demandai-je en haussant un sourcil.

— Non, bien sûr que non, je n’ai pas pu leur expliquer pour quelle raison un parfait inconnu nous avait tiré dessus alors que nous avions seulement frappé à sa porte. Et ils n’ont pas apprécié que je ne leur donne pas les raisons de notre visite à Foreman. Aucune loi ne m’oblige à leur avouer. Ma hiérarchie ne va pas apprécier que je me montre aussi peu coopératif, surtout si rapidement après la perte de mon Taser, mais je ne vois pas ce que je pouvais faire d’autre sans savoir ce que vous aviez dit.

Raphael émit un bruit dédaigneux à l’arrière de la voiture.

— On a été assez finauds pour ne rien dire, même sans que tu sois là pour nous conseiller.

Adam lança un regard mauvais dans son rétroviseur, mais il ne fit aucun commentaire. Sa hiérarchie n’allait pas se contenter de lui souffler dans les bronches. Il ne passait pas vraiment inaperçu ces derniers temps et ses implications avec moi et tous mes ennuis l’avaient déjà mis en mauvaise posture. Malgré tout, c’était son problème. J’en avais assez à régler pour ne pas me soucier, des siens.

Nous n’échangeâmes pas un mot jusqu’au feu rouge suivant où Adam en profita pour jeter un regard vers Raphael.

— Pourquoi m’as-tu écarté de la porte ?

— J’ai entendu…

— Qu’on armait un pistolet. Ouais, moi aussi, je l’ai entendu, environ une demi-seconde trop tard. Je ne t’ai pas demandé comment tu savais que Foreman allait nous tirer dessus. Je t’ai demandé pourquoi tu as pris la balle à ma place.

Le feu passa au vert et, malgré l’importance de sa question, Adam se retourna et reprit la route. Raphael était tourné vers la vitre, l’air pensif.

— Parce que je pouvais survivre à une blessure par balle à la tête, répondit-il enfin. Pas toi. (Il affronta le regard d’Adam dans le rétroviseur.) Si j’avais su qu’il allait tirer dans le ventre, je t’aurais laissé prendre la balle sans hésiter.

Adam émit un petit grognement.

— Merci, dit-il après un bref moment d’hésitation.

Voilà une parole qui avait eu du mal à sortir. Raphael se contenta de hausser les épaules.

Nous restâmes silencieux durant le reste du trajet jusqu’à la maison d’Adam. L’attitude de ce dernier se détendit un peu quand nous nous garâmes sur le petit parking privé en face de sa maison. Je suppose qu’il était heureux de voir que la voiture de Dom s’y trouvait, même si cela ne signifiait pas pour autant que Dom et Saul étaient en sécurité.

Une fois entrés – toujours en silence – dans la maison, nous nous dirigeâmes vers l’escalier conduisant au premier étage. Nous savions tous où Saul et Dominic devaient garder notre prisonnier. Ce ne serait pas la première fois que cette pièce servirait de salle d’interrogatoire.

La redoutable chambre noire dominait en haut de l’escalier et, comme toujours, je tressaillis de peur en approchant. C’était là qu’Adam avait interrogé puis assassiné la femme que je croyais être ma meilleure amie. C’était également dans cette pièce qu’il m’avait fouettée jusqu’au sang pour se distraire. Rien de bon ne se produisait jamais dès qu’on y mettait les pieds et voilà que j’y étais de nouveau.

Je l’appelais la chambre noire, car tout y était noir. Le sol était en carreaux luisants noirs. Les murs et le plafond étaient couverts d’une peinture mate noire qui absorbait la lumière. Un énorme lit en fer forgé, garni de draps de soie noire, trônait à une extrémité de la pièce. Et un des murs était ponctué de pitons noirs auxquels étaient suspendus des fouets enroulés, illuminés par une rampe de spots.

Jonathan Foreman était assis dans le coin le plus éloigné, dos au mur, les genoux ramenés contre son torse. Il était plus beau que Cooper, mais il n’était cependant pas le modèle de perfection qui était habituellement requis pour un hôte de la Société de l’esprit. Il était un peu grassouillet et mou, et son nez était trop volumineux pour son visage. Malgré son âge – je doutais qu’il ait plus de vingt-cinq ans –, il développait déjà un sérieux cas de calvitie qui le faisait passer à première vue pour un homme de cinquante ans.

Quand Adam, Raphael et moi entrâmes dans la chambre, Foreman leva les yeux, mais il n’eut aucun geste agressif. Probablement parce que Saul et Dominic braquaient leurs Tasers sur lui et qu’il savait qu’il était inutile de tenter quoi que ce soit. Ses yeux trahissaient sa peur et, malgré la distance qui nous déparait, je pouvais voir sa poitrine se soulever et s’abaisser rapidement, attestant qu’il haletait. Serrant ses genoux plus fort contre lui, il se recroquevilla davantage dans le coin. Je suis peut-être folle, mais il ne semblait pas être du genre à dégainer le premier et à poser les questions ensuite.

Adam se tourna vers Raphael.

— Tu vas me laisser m’en charger, d’accord ? Parce que si tu as prévu de me neutraliser au Taser dès que j’aurai le dos tourné, je préfère me tirer tout de suite.

Raphael sourit, appréciant de toute évidence le souvenir d’un de ses moments les plus infâmes. Nous étions en train d’interroger un démon qu’Adam avait prévu de torturer s’il ne parlait pas de son plein gré. Mais Raphael avait décidé d’agir selon son propre plan et avait taserisé Adam afin que ce dernier ne le contre pas. Puis il avait arrosé le démon avec de l’essence avant de le menacer de le faire brûler. Le démon s’était très vite mis à table.

— Celui-ci est pour toi, déclara Raphael. À moins que tu aies besoin d’aide.

Adam lui adressa un long regard avant de tourner son attention vers Foreman. Quand ce dernier se recula légèrement, il me rappela la pathétique Mary. C’était lui le meneur de la campagne illégale de recrutement ? J’aurais pensé que Cooper nous avait menti, mais c’était certainement la vérité puisque Adam était allé chercher l’information directement dans son esprit.

Adam, les yeux luisant légèrement du feu du démon, le corps souple comme celui d’un prédateur, se rapprocha de Foreman. Notre prisonnier déglutit avec difficulté et eut l’air d’être sur le point de tourner de l’œil. Adam s’arrêta à une distance raisonnable pour dominer de toute sa hauteur le démon terrifié.

— Tu peux nous dire pourquoi tu as essayé de me tirer dessus ? demanda-t-il.

Sa voix n’était pas particulièrement tranchante ni forte, mais la question était néanmoins lourde de menaces.

Foreman déglutit de nouveau.

— Je croyais que vous veniez pour m’arrêter, répondit-il presque dans un murmure, mais au moins il ne tremblait plus.

Adam pencha la tête sur le côté.

— Pourquoi as-tu pensé ça ?

— Vous êtes Adam White, déclara Foreman. Je vous ai reconnu parce que je vous ai déjà vu à la télévision. Ils m’ont dit qu’ils me dénonceraient à la police si je ne collaborais pas. Quand je vous ai vu à la porte de la maison, j’ai cru que je n’avais pas assez coopéré.

Adam n’avait posé que deux questions et Foreman en soulevait des millions d’autres, rien que par ses réponses. Je dus me mordre la langue pour m’empêcher d’intervenir. La patience n’a jamais été mon fort alors qu’Adam en avait fait son métier. Il s’en sortirait probablement mieux que moi pour poser les bonnes questions.

— Qui sont ces gens dont tu parles ? demanda Adam.

Foreman serra plus fort ses genoux contre lui.

— Si je vous le dis, est-ce que vous me protégerez contre eux ?

— Tu poses des conditions comme si tu avais le choix.

— Ils vont me tuer, déclara Foreman en secouant la tête. Ils ne vont pas seulement tuer mon hôte, ils vont aussi me tuer.

— Préférerais-tu que ce soit nous qui te tuions ? demanda Raphael.

On aurait dû se douter qu’il serait incapable de se tenir tranquille.

Dominic et Saul montaient toujours la garde, même si Dom avait baissé son Taser. Je ne pouvais pas lui en vouloir – je ne croyais pas que Foreman soit en état de tenter quelque chose.

Adam jeta un regard à Saul. Une sorte de message silencieux passa sans doute entre eux, car Saul sourit subitement et tourna son Taser vers Raphael.

— Tu as dit que tu laisserais Adam se charger de cette affaire, dit Saul. Je te suggère de tenir ta promesse. Tu ne peux imaginer à quel point j’ai envie de te tirer dessus.

Raphael croisa les bras sur son torse et s’appuya contre le mur comme si cela ne le dérangeait pas le moins du monde que son propre fils menace de tirer sur lui. Je savais pourtant qu’il était blessé – je le fréquentais trop pour en douter –, mais il n’en laissa rien paraître. Il adopta une expression d’ennui et n’ouvrit pas la bouche.

Adam tourna son attention vers Foreman.

— Je vais être très franc avec toi, dit-il. Je ne peux pas te promettre de te protéger. Pas tant que tu ne m’as pas dit contre qui je devrais te protéger. En revanche, ce que je peux te promettre, c’est que la nuit va être longue pour toi si tu ne parles pas avant que je perde patience. Alors dis-moi qui, d’après toi, va te tuer.

Les yeux de Foreman étaient embués. S’il avait été plus effrayé, il aurait probablement fait dans sa culotte. Il commença néanmoins à parler.

— L’équipe de recrutement que je suis censé diriger, dit Foreman, les yeux baissés vers le sol. Nous ramassons des gens qui vivent dans la rue et nous les… persuadons d’invoquer des démons.

Cette fois, ce fut moi qui eus du mal à me taire. Je me mordis la langue en résistant à l’envie d’exprimer mon indignation.

— Mais pourquoi faites-vous ça ? demanda Adam.

Foreman regarda autour de lui comme s’il espérait trouver un allié parmi nous. Il n’eut pas cette chance. Il sembla se recroqueviller davantage sur lui-même tandis que la sueur dessinait des cercles sombres sous ses aisselles.

— Réponds à la question ! ordonna Adam.

Foreman se tortilla sur place.

— Hum… (Il s’éclaircit la voix.) Nous essayons de raccourcir la liste d’attente des démons qui veulent venir sur la Plaine des mortels. La Société de l’esprit a beaucoup recruté, mais cela n’a pas suffi pour fournir assez d’hôtes consentants. Alors nous essayons de… trouver davantage d’hôtes disponibles.

— Tu sais que c’est contraire à la loi, rappela Adam d’une voix étrangement douce.

Foreman frémit.

— Je sais. Mais je n’avais pas vraiment le choix.

— Oh ? Je croyais t’avoir entendu dire que c’était ton équipe de recrutement.

— Non, j’ai dit que j’étais censé diriger cette équipe.

— Ce qui signifie ?

— Ce qui signifie que je ne la dirige pas vraiment. Je suis juste l’homme de paille dans l’histoire. N’importe quel démon n’étant pas dans le secret de cette opération croit que je suis le responsable. Seulement ce n’est pas vrai.

— Alors Bradley Cooper n’était pas dans le secret de l’opération ?

Foreman sursauta à la mention du nom de Cooper.

— Je ne pensais pas qu’il connaissait mon nom. Les humains, par définition, ne sont pas dignes de confiance.

Cette fois, je ne pus refréner mon indignation.

— Bon sang, c’est pas plutôt parce que vous êtes en train de nous transformer en marionnettes ?

Adam émit un grondement du fond de la gorge.

— Écrase ! rugit-il. Si l’un de vous m’interrompt encore une fois, je vous fiche tous à la porte.

Raphael ricana et, pour une fois, je le comprenais. Avec trois membres de la famille royale présents dans cette pièce, Adam ne risquait pas de mettre qui que ce soit dehors à moins que ce dernier soit d’accord.

Je m’écrasai sans que cela m’empêche d’adresser à Foreman un regard assassin, auquel il ne prêta aucune attention. Je suppose qu’avec Adam au-dessus de lui, nous autres ne lui paraissions pas aussi menaçants.

— Et si tu n’es pas vraiment responsable de ce recrutement, qui l’est ?

Foreman inspira un bon coup et expira lentement avant de répondre.

— Il s’appelle Julius. Ce n’est pas un démon royal, mais il est clair qu’il fait partie de l’élite. Et son hôte jouait au football à l’université. Il pèse environ cent cinquante kilos de pur muscle.

Adam haussa les épaules.

— On se fiche de sa corpulence. Le Taser lui fera le même effet qu’à n’importe quel autre démon.

— Oui, mais il va vous falloir le trouver d’abord. Il ne me fait plus confiance. Je suis sûr qu’il me faisait surveiller. Maintenant que vous m’avez capturé, il va supposer que je vous ai dit tout ce que je sais et il va disparaître. C’est pour cette raison que je n’avais de responsable que le titre. De plus, même si vous parveniez à le retrouver, ça ne servirait à rien d’arrêter Julius.

Adam haussa un sourcil.

— Pourquoi ? En général, le monstre meurt quand on lui coupe la tête.

Soudain, Foreman eut l’air encore plus effrayé, ce que je n’aurais pas cru possible. La sueur plaquait ses cheveux fins sur son crâne et ses yeux étaient presque exorbités. J’avais l’intuition qu’il regrettait les dernières paroles qu’il venait de prononcer.

Adam acquiesça d’un air entendu, même si Foreman ne lui avait pas répondu.

— Julius n’est pas vraiment le chef, n’est-ce pas ?

Foreman secoua la tête, les yeux fermés.

— Dougal est celui qui dirige tout, poursuivit Adam.

Ce n’était pas une question, mais Foreman acquiesça tout de même.

— Si vous trouvez Julius et que vous l’éliminez, Dougal enverra quelqu’un d’autre. Il a impliqué tellement de monde dans…

Sa voix mourut et il riva ses yeux au sol.

— … Dans le complot pour accéder au trône, finit Adam à sa place.

Foreman tressaillit avant de hocher de nouveau la tête.

— La seule façon de mettre fin à tout cela, dit-il doucement, c’est d’arrêter Dougal. Et le seul moyen d’arrêter Dougal, c’est de le tuer.

Adam nous lança un regard furtif.

— C’est sur notre liste des choses à faire. Si tu travailles avec Dougal, pourquoi sembles-tu penser que sa mort serait une bonne chose ?

Foreman se frotta les yeux pour essuyer les larmes.

— Parce qu’il m’a menti. Il a menti à beaucoup de gens. Je l’ai soutenu depuis le début, mais j’ignorais qu’il avait prévu de tuer le roi. Je pensais juste qu’il profitait de l’absence de Lugh pour arranger les choses à son goût. Il m’a piégé et je me suis tellement mouillé pour lui qu’il est trop tard pour me rétracter.

Adam eut l’air soudain plus… tendu.

— Il t’a menti personnellement, tu veux dire ? Tu n’es pas un vulgaire sous-fifre ?

Foreman soupira.

— Maintenant, j’en suis un. Mais en effet, je connais Dougal. Du moins, je pensais le connaître. Je le considérais comme un ami. Mais son ambition est sa seule amie et c’est de plus en plus évident maintenant qu’il navigue en eaux troubles.

— Qu’est-ce que tu entends par « il navigue en eaux troubles » ?

L’amertume et la colère aidaient Foreman à calmer sa peur.

— Dougal n’a jamais envisagé de plan d’urgence au cas où sa prise de pouvoir échouerait – ou du moins ne réussirait pas à la première tentative. Il a promis énormément de choses à beaucoup de personnes mais, sans le pouvoir que lui confère le trône, il ne peut tenir ses promesses.

— De quelles promesses parles-tu ?

Foreman grimaça.

— Tout d’abord, il a promis à un certain nombre de démons qu’il allait les faire passer en haut de la liste d’attente pour être envoyés sur la Plaine des mortels. C’est ainsi qu’il a rallié Alexander.

Adam eut l’air choqué par cette information.

— Il a un membre du Conseil dans la poche ?

— C’était le cas, admit Foreman.

Lugh laissa échapper un bref soupir.

— Tu te rappelles quand j’ai décidé de former mon Conseil sur la Plaine des mortels ? Je t’ai dit que je craignais que certains des membres de mon Conseil officiel se rallient à Dougal. Apparemment, j’avais raison.

— Mais Alexander s’est rétracté il y a quelques semaines, poursuivit Foreman. Il a menacé Dougal de dévoiler la conspiration s’il ne le laissait pas partir sur la Plaine des mortels. Dougal n’a pas eu le choix, il l’a laissé partir mais, sans Alexander, il ne peut contraindre le Conseil à le soutenir sans discuter.

— Et c’est ce qui rend le reste de ses conspirateurs nerveux, ajouta Adam.

— Ouais. La trahison de Raphael a été difficile à surmonter, mais la défection d’Alexander pourrait être un coup fatal si Dougal ne fait pas attention. C’est pour cette raison qu’il a envoyé certains d’entre nous sur la Plaine des mortels afin de trouver davantage d’hôtes pour réduire la liste d’attente. Il espère ainsi calmer une partie de ses partisans. Je ne sais pas si son plan fonctionne.

Adam digéra toutes ces informations pendant une minute, l’air intrigué.

— Nous avons parlé avec un de ces démons nouvellement arrivés l’autre jour.

— Je sais.

Nos pensées durent se lire sur nos visages, car Foreman pâlit et leva les mains comme pour se protéger d’un coup.

— Je n’ai rien à voir avec ce qui est arrivé à cette fille ! dit-il d’une voix tendue par la peur. C’était Julius. Il a dit qu’il fallait décourager les autres démons de trop parler.

Après lui avoir jeté un regard de dégoût, Adam poursuivit son assaut.

— Elle a dit qu’elle se trouvait en prison. On la libérée, puis on lui a ordonné d’enfreindre la loi.

Foreman acquiesça.

— C’est une autre promesse de Dougal. Il comptait libérer des prisonniers qui étaient des amis ou des membres des familles de ses partisans. Mais une fois qu’Alexander a quitté le Royaume des démons, le Conseil a commencé à poser des problèmes. Dougal ne pouvait faire preuve d’un tel favoritisme sans être critiqué. Pour mieux faire passer la pilule, il a gracié une poignée de démons condamnés pour être passés illégalement sur la Plaine des mortels et ayant purgé au moins la moitié de leur peine.

Adam décida de cesser de dominer physiquement Foreman et s’assit par terre en face de lui. Il devait essayer de développer une sorte de rapport de confiance.

— Quel est ton nom ? demanda Adam. Je veux dire ton nom de démon, pas celui de ton hôte.

Foreman avait le regard rivé à ses mains.

— William.

Raphael et Saul sursautèrent et je compris qu’ils le connaissaient.

— « William » ? répéta Adam d’une voix qui hésitait entre la surprise et la répulsion.

William acquiesça.

— Oui, ce William-là.

— Merde ! fit Adam.

Je ne pus me taire plus longtemps. Je crevais de curiosité.

— Bon sang mais qui est William ? Et pourquoi êtes-vous bouleversés ? demandai-je.

William leva les yeux vers moi en fronçant les sourcils.

— Comment se peut-il que tu ne saches pas qui je suis ? demanda-t-il.

Je compris qu’il avait émis naturellement l’hypothèse que tous ceux qui se trouvaient dans cette pièce étaient des démons. De toute évidence, n’importe quel démon aurait reconnu ce nom.

— Toutes les personnes qui se trouvent dans cette pièce ne sont pas possédées, répondis-je.

William regarda Adam, bouché bée.

— Vous avez mêlé des humains à tout ça ?

— Les humains ont de grands enjeux à défendre dans cette histoire, alors oui. Et crois-moi, je n’ai pas besoin de ton accord.

— Est-ce que quelqu’un peut répondre à ma question ? demandai-je. Tu peux me donner un indice, Lugh ? ajoutai-je dans ma tête.

— Ils vont vous expliquer, à toi et à Dominic.

Adam secoua la tête.

— William est un cousin du roi. (Il tourna de nouveau son attention vers William.) C’est pour cette raison que tu as essayé de me tuer. Tu avais peur que je t’arrête et que personne ne soit en mesure de t’exorciser.

William acquiesça, les yeux écarquillés et les poings crispés sous l’effet de la terreur.

— Tu as dit qu’ils avaient menacé de te dénoncer. Pourquoi ?

William frémit.

— Je leur ai créé trop de soucis quand ils ont tué ce démon, Shae. J’ai été stupide. Dougal m’avait déjà fait comprendre que je n’avais aucun moyen de m’en sortir. J’aurais dû me taire.

Raphael s’écarta du mur et vint s’asseoir en tailleur près d’Adam. Saul était apparemment trop intéressé par les propos de William pour se rappeler qu’il était censé taseriser son père, si ce dernier essayait d’intervenir.

— Il y a toujours un moyen de s’en sortir, déclara Raphael d’une voix douce et apaisante.

Je clignai des yeux de surprise. Raphael n’était jamais apaisant.

— Si tu m’aides à réprimer la rébellion organisée par mon frère, je te promets la grâce royale.

Tous, dans la pièce, en eurent le souffle coupé et les yeux de William devinrent ronds comme des soucoupes, cette fois de surprise, pas de peur.

— Qu’est-ce que tu fais ? cria Adam en regardant Raphael comme s’il lui était poussé une seconde tête.

— Lugh ? demanda William avec ce qui ressemblait à du respect dans la voix.

— Lui-même, répondit Raphael en souriant avec douceur.

Péchés Capitaux
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